Inverser le scénario pour reconnaître et stopper la violence sexuelle envers les jeunes femmes

Au Canada, une femme sur sept est victime d'agression sexuelle au moins une fois pendant ses études postsecondaires. Ce problème de santé publique peut avoir des effets à long terme sur le bien-être, la santé et la réussite scolaire des étudiantes. Pourtant, au début des années 2000, la plupart des programmes de prévention des agressions sexuelles étaient jugés inefficaces. « C'était un grand signal d'alarme pour le milieu de la recherche », explique la Dre Charlene Senn, professeure de psychologie à l'Université de Windsor.
Pour combler cette lacune, la Dre Senn a développé le programme Version bonifiée d'Évaluer, Reconnaître, Agir (BÉRA), connu sous le nom Renverse les codes avec BÉRAMC. Ce programme de prévention des agressions sexuelles est fondé sur des recherches qui proposaient d'habiliter les femmes à reconnaître le risque de violence sexuelle lors de rencontres avec une connaissance masculine, un ami ou un membre de la famille. « On développe dès notre plus jeune âge la crainte des inconnus, et pourtant, l'agression sexuelle survient principalement dans des situations avec des hommes que nous connaissons, en qui nous avons confiance ou que nous aimons », explique la Dre Senn, qui a transposé la théorie en exemples pratiques pour aider les femmes à détecter les risques plus rapidement et agir pour se défendre si nécessaire.
Mais au fil du temps, la Dre Senn a senti qu'il était crucial de changer la perspective : « On décrit souvent les expériences sexuelles selon un scénario dans lequel l'homme désire et amorce l'expérience alors que la femme répond passivement, mais quand se préoccupe-t-on de ce que les femmes désirent? » En mettant d'abord l'accent sur la sexualité des femmes, la Dre Senn a pu développer un programme révolutionnaire.

Un essai contrôlé randomisé (en anglais seulement) mené auprès de 900 étudiantes universitaires a montré que le programme Renverse les codes avec BÉRAMC réduit les agressions sexuelles de 50 % et a d'autres effets positifs tant pour les survivantes que pour celles qui n'ont jamais été victimes de violence sexuelle, y compris une meilleure perception du risque et une confiance accrue en l'autodéfense. Même chez les étudiantes qui ont par la suite été victimes de violence sexuelle, le programme a réduit le sentiment de culpabilité.
Une étude de mise en œuvre (en anglais seulement) impliquant plus de 500 étudiantes de cinq universités canadiennes a confirmé l'efficacité du programme Renverse les codes avec BÉRAMC dans des conditions réelles. Ce dernier a permis de réduire les agressions sexuelles de 42 % et d'offrir d'autres avantages qui ont aidé à prévenir la violence sexuelle commise par une connaissance.
Le programme scientifique de la Dre Senn a été mis en œuvre dans plus de 30 collèges et universités au Canada et dans six autres pays. La Dre Senn et ses collègues l'ont également adapté pour les adolescentes, les étudiantes universitaires francophones et les étudiantes trans : « Renverse les codes avec BÉRAMC et ses variations n'auraient pas été possibles sans le financement des IRSC sur près de deux décennies », affirme-t-elle.

À l'Université de Windsor seulement, 327 étudiantes ont suivi le cours Renverse les codes avec BÉRAMC, et certaines ont trouvé l'accent mis sur l'éducation sexuelle révélateur. « Une meilleure compréhension de votre propre désir sexuel joue un rôle protecteur majeur dans la résistance à la violence sexuelle », affirme Dusty Johnstone, directrice du Bureau de la résistance, du soutien et de la prévention de la violence sexuelle de l'Université.
Des organismes communautaires comme le North Shore Women Centre, en Colombie-Britannique, utilisent aussi le programme pour prévenir les violences sexuelles. Le centre a offert 15 ateliers Renverse les codes avec BÉRAMC et met actuellement à l'essai la version adaptée pour les adolescentes. « Les deux versions donnent aux adolescentes un espace sûr pour discuter de la violence sexuelle et acquérir les compétences pour se défendre », explique Oreofeoluwa Adeyonu, chercheuse principale au centre.
En inversant le scénario des programmes traditionnels de prévention des agressions sexuelles, la Dre Senn donne aux jeunes femmes et aux filles les connaissances et les outils nécessaires pour anticiper et éviter la violence sexuelle liée à une connaissance ou y résister.
En bref
L'enjeu
L'agression sexuelle est un grave problème de santé publique qui a des effets à long terme sur le bien-être, la santé et la réussite scolaire des étudiantes. Au Canada, une femme sur sept est victime d'agression sexuelle pendant ses études postsecondaires.
La recherche
Le programme Renverse les codes avec BÉRAMC de la Dre Senn fournit aux adolescentes et aux jeunes femmes des connaissances et des outils pour comprendre leur sexualité, reconnaître les signes d'agression sexuelle et agir. La Dre Senn a aussi fondé le Centre SARE (en anglais seulement) pour soutenir les organismes qui souhaitent offrir le programme de formation.
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