« La science n’avait pas de réponse » : un chercheur du CHEO comble les lacunes dans les connaissances et les soins en matière de commotions cérébrales

Lorsqu’il était adolescent, le Dr Roger Zemek a subi trois commotions cérébrales en pratiquant des sports. L’une de ces commotions a eu lieu lors de l’échauffement avant un match de baseball.
Le Dr Zemek, qui était alors lanceur, étirait son bras sur le monticule lorsqu’une balle de baseball l’a frappé à la tête à une telle vitesse qu’il a perdu connaissance. Quand il s’est réveillé, son entraîneur lui a donné 25 sous pour qu’il appelle sa mère depuis un téléphone public à proximité.
« J’ai déposé la pièce dans la fente, mais je ne me souvenais plus de mon numéro de téléphone », raconte le Dr Zemek.
Il s’est remis de cette commotion et des autres sans séquelles à long terme. Néanmoins, le Dr Zemek s’appuie sur ces expériences dans son rôle de médecin d’urgence et chef de file canadien dans le domaine des commotions cérébrales au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO), un centre de recherche et de soins pédiatriques situé à Ottawa.
Au CHEO, le Dr Zemek a créé un programme de recherche sur les commotions cérébrales qui a produit des données cruciales ainsi que des lignes directrices et des outils fondés sur des données probantes visant à aider les prestataires de soins de santé, les entraîneurs, les enseignants et les parents à prendre en charge le rétablissement des enfants et des adolescents qui ont subi une commotion cérébrale.
Les commotions cérébrales sont des traumatismes crâniens courants chez les enfants et les adolescents. Elles sont le plus souvent causées par la pratique d’un sport, mais peuvent également résulter d’une chute ou d’un accident. Elles peuvent occasionner les symptômes suivants : maux de tête, amnésie, confusion, fatigue et sensibilité au bruit. Si la plupart des jeunes se rétablissent en quelques semaines, un grand nombre d’entre eux présentent des symptômes pendant des mois, voire des années. Les symptômes peuvent entraîner des effets débilitants sur l’humeur, la santé physique, la fonction cognitive et le rendement à l’école ou au travail. Si les symptômes persistent au-delà de quatre semaines, le patient est considéré comme présentant des symptômes post-commotion cérébrale persistants.
Le programme de recherche du Dr Zemek repose sur le principe que plusieurs têtes valent mieux qu’une. D’autres chercheurs, des cliniciens, des patients et des familles participent donc à chaque étape du processus.
« Mon équipe mobilisait des patients avant que cette pratique ne soit largement reconnue comme un élément essentiel de la recherche », déclare le Dr Zemek. « Les patients et les familles qui participent à notre programme de recherche ont contribué de manière significative à notre succès. »
Lorsque le père d’un adolescent qui venait de subir sa sixième commotion cérébrale a demandé au Dr Zemek combien de temps dureraient les symptômes, ce dernier n’a pas pu lui répondre. La science n’avait pas de réponse.
La plupart des études sur les commotions cérébrales à l’époque avaient été menées auprès de joueurs de football ou de hockey masculin d’élite. Peu d’études, voire aucune, n’avaient été menées auprès de femmes ou les jeunes ou sur les commotions cérébrales non liées au sport. De plus, il n’existait pas d’outil clinique validé pour aider les médecins à déterminer quels patients risquaient de présenter des symptômes persistants.
Le Dr Zemek s’est donc mis au travail, invitant d’ailleurs le père de son patient à se joindre à lui.
À l’aide du soutien d’une subvention de planification des IRSC, le Dr Zemek a réuni des experts canadiens et étrangers de premier plan et des parents. Ensemble, ils ont jeté les bases de ce qui allait devenir l’étude 5P financée par les IRSC : « Predicting and Preventing Post-concussive Problems in Pediatrics » [Prévoir et prévenir les problèmes post-commotion en pédiatrie]. L’objectif était de formuler et de valider un outil de prédiction, c’est-à-dire une cote de risque clinique, visant à aider les médecins à identifier les patients susceptibles de présenter des symptômes persistants.
En collaboration avec le réseau Pédiatrie urgence recherche Canada, le Dr Zemek et son équipe ont recruté pour l’étude plus de 3 000 participants de 5 à 17 ans, la plus grande cohorte de ce type au monde, dans neuf hôpitaux pédiatriques partout au Canada. Tous les participants avaient subi une commotion cérébrale dans les 48 heures précédant leur visite au service d’urgence.
L’outil de prédiction conçu par le Dr Zemek et son équipe se fonde sur une évaluation des facteurs de risque de persistance des symptômes de commotion cérébrale, notamment l’âge, le sexe, les antécédents médicaux, les commotions cérébrales antérieures, la gravité des symptômes et les résultats de simples tests d’équilibre et de vision. Des points sont attribués à chaque facteur en fonction des caractéristiques et des symptômes du patient, ce qui permet d’obtenir une cote d’un maximum de 12 points. Plus la cote est élevée, plus le risque de problèmes post-commotion persistants est important.
En identifiant les personnes susceptibles de présenter des symptômes persistants, les médecins peuvent élaborer des plans de rétablissement plus efficaces et surveiller ces patients de plus près. Pour le Dr Zemek et d’autres médecins d’urgence, l’outil de prédiction représente un outil utile pour répondre aux questions que les parents posent le plus souvent : combien de temps faudra-t-il pour que mon enfant s’en remette, et quand pourra-t-il reprendre en toute sécurité les activités qu’il souhaite, doit ou aime faire?
Publiée dans le Journal of the American Medical Association en 2016, la cote de risque clinique est désormais régulièrement utilisée dans les services d’urgence pédiatriques partout au Canada. Elle permet maintenant aux enfants et aux adolescents qui ont subi une commotion cérébrale de recevoir les soins dont ils ont besoin et de bénéficier de meilleurs résultats et d’une meilleure qualité de vie.
Depuis lors, des études ultérieures incluant la cohorte 5P ont également fait progresser autrement la recherche sur les commotions cérébrales. D’ailleurs, les recherches menées par l’équipe du Dr Zemek ont montré que recommencer l’activité physique plus tôt et retourner à l’école plus tôt améliorent le rétablissement et les résultats de santé des jeunes ayant subi une commotion cérébrale.
En bref
L’enjeu
Les commotions cérébrales sont des traumatismes crâniens fréquents chez les enfants et les adolescents. Si la plupart des jeunes se rétablissent rapidement, environ un tiers d’entre eux présentent des symptômes qui durent des mois ou des années et occasionnent des effets débilitants sur leur vie.
La recherche
Le Dr Roger Zemek du CHEO a formulé une cote de risque clinique visant à identifier les jeunes à risque de développer des symptômes post-commotion persistants. Cet outil de prédiction permet de veiller à ce que les personnes susceptibles de présenter des symptômes persistants reçoivent les soins spécialisés dont elles ont besoin.
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